10.9.07

VIE ET SURVIE, en Psychanalyse : DE LA RESILIENCE A LA BIEN-TRAITANCE, Lisbonne, 23 juin 2006

VIE ET SURVIE, en Psychanalyse : DE LA RESILIENCE A LA BIEN-TRAITANCE,
Lisbonne, 23 juin 2006
Jean Bégoin

CONCLUSIONS
De la résilience à la bien-traitance: TRANSMETTRE L’ESPERANCE

Au cours de ma carrière de psychiatre et de psychanalyste, je me suis peu à peu aperçu que la perspective théorique dans laquelle j’avais été formé restait beaucoup trop axée sur la psychopathologie et les forces qui entravent le développement, et pas suffisamment sur les forces qui permettent le développement de l’Etre Humain. Si bien que la théorisation psychanalytique « classique », comme on dit, des stades de développement de la libido dans le cadre strict du complexe d’Œdipe et du complexe de castration, ainsi que de la double polarité instinctuelle, instinct de vie et instinct de mort, devait être corrigée et complétée par les théories kleiniennes et post-kleiniennes qui faisaient intervenir la relation d’objet dès le premier jour de la vie et rétablissaient un équilibre plus satisfaisant entre le rôle des pulsions libidinales et celui des pulsions destructrices.
Mais ce fut seulement avec la notion des aspects « normaux » de l’identification projective mutuelle entre la mère et le bébé, qui permit à BION d’élaborer le développement de la première théorie psychanalytique de la pensée, à laquelle j’ai fait allusion, que le rôle de l’environnement dans le développement a repris une place autre que celle de barrières opposées par le traumatisme au déferlement instinctuel, à laquelle il avait été cantonné depuis l’abandon par Freud de sa première théorie de la séduction au profit de la découverte du fantasme inconscient. Par ailleurs, l’observation directe des relations précoces entre le bébé et son environnement a introduit des données entièrement nouvelles, comme la découverte des compétences inattendues du nouveau-né et de la nature et de la complexité des interrelations affectives précoces qui se nouent entre le bébé et son entourage. Actuellement, il ne s’agit plus seulement de la naissance, la vie pré-natale elle-même, scrutée par l’approche haptonomique de la grossesse et par l’échographie, vient enrichir le concept nouveau de « périnatalité ».
C’est dans ce contexte en pleine évolution qu’est né le concept de « résilience » qui met au premier plan non plus seulement « les dégâts », la psychopathologie, mais « les processus de réparation ». Il en ressort, comme j’ai essayé de le montrer, que ces processus de reconstruction après de graves traumatismes ne sont pas différents des processus normaux du développement tels que nous pouvons aujourd’hui les appréhender dans toute leur complexité. Ils peuvent donc nous aider à les comprendre. C’est ainsi que la description des mécanismes de la résilience vient confirmer les hypothèses les plus récentes sur le rôle énormément plus grand de l’environnement et de son intrication avec le développement pulsionnel, que n’avaient pu le concevoir les pionniers de la psychanalyse. Cela confirme aussi la nécessité que j’avais découverte en travaillant sur la souffrance et la croissance psychiques, de distinguer plus clairement les défenses de survie des mécanismes « normaux » du développement. Les mécanismes de la position schizo-paranoïde de Mélanie KLEIN, le clivage, le déni et l’idéalisation, ne peuvent plus être considérés comme appartenant à un stade normal de la vie psychique, mais comme des défenses de survie contre le désespoir de ne pas pouvoir se développer, face à un manque intolérable de sécurité. Donald MELTZER avait commencé à le comprendre avec la découverte de la tonalité foncièrement esthétique des toutes premières interrelations affectives, nécessaire à la naissance psychique du nouveau-né et à l’établissement de la sécurité de base qui assure son sentiment d’identité existentielle.
L’introduction plus récente encore, à Paris, du concept de « Bien-Traitance », par la psychologue clinicienne Danielle RAPOPORT, se situe dans la même direction. Elle est l’auteur, entre autres ouvrages, du livre récent « La bien-traitance envers l’enfant : Des racines et des ailes » (Ed. Belin, Paris, 2006) et elle souligne (je la cite), que « l’épanouissement de l’enfant se construit sur quelque chose de plus que l’absence ou l’éradication de toutes les maltraitances répertoriées ». Ce « quelque chose de plus » a besoin d’être mieux connu, il n’avait jusqu’ici été exploré que par la philosophie et les arts. Nous commençons à en entrevoir de nouvelles méthodes d’étude, plus proches de la connaissance scientifique, et qui peuvent nous en apprendre davantage sur les mystères de la condition humaine et, peut-être, de sa place particulière dans la Vie et dans l’Univers. Je pense que c’est tout à fait ce que l’écrivain et philosophe français Michel SERRES tente de cerner, dans ses derniers écrits, sous le nom d’ « hominescence ».
En octobre dernier, se sont tenues à Paris des Journées d’études intitulées « Naître, Grandir, Se construire : la bien-traitance interrogée » (site internet: www. bientraitance.com). Elles réunissaient des spécialistes de l’enfance de nombreuses disciplines, qui ont mis en commun leurs observations, dans une atmosphère très enthousiaste. Dans son introduction, Danielle Rapoport disait : « Cette nouvelle notion réintroduit la dimension de la tendresse et de l’émerveillement que tout enfant est en droit d’attendre pour grandir dans la confiance en soi et en l’autre, dans le désir d’apprendre, de découvrir, de se construire ». J’ai eu, quant à moi, l’honneur de parler, en conclusion de ces journées, du rôle de la Joie de Vivre dans le développement de Soi. Je pense, effet, comme j’ai essayé de le montrer aujourd’hui à propos de la résilience, que la Joie de Vivre est un accomplissement créé par l’interrelation suffisamment harmonieuse entre le nouveau-né et son entourage et que c’est elle qui fonde la sécurité de base de l’Etre, dont celui-ci aura besoin la vie durant. Ainsi peut se transmettre l’Espérance, celle d’être capable d’affronter les chocs des changements et des pertes plus ou moins graves qu’implique toute évolution.

Mots clés = résilience

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postado por Ana Lopes

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