13.9.07

Sobre a solidão

Friedrich Nietzsche, Considération inactuelle III, 3, pp. ]31,33[

(...) «Celui qui a de vrais amis ne sait pas ce qu’est la vraie solitude, eût-il pour adversaire le monde entier autour de lui. – Mais je vois bien, hélas, que vous ne savez pas ce qu’est la solitude. Partout où il y a eu des sociétés, des gouvernements, des religions, des opinions publiques puissantes, bref, partout où il y a eu de tyrannie, elle a exécré le philosophe solitaire, car la philosophie offre à l’homme un asile où nulle tyrannie ne peut pénétrer, la caverne de l’intériorité, le labyrinthe du cœur: ce qui indispose les tyrans. Les solitaires se cachent, mais là les guette aussi leur plus grand danger. Ces hommes, qui ont abrité leur liberté au fond d’eux-mêmes, doivent aussi avoir une vie extérieure, se rendre visibles, se faire voir. Du fait de leur naissance, de leur domicile, de leur éducation, de leur patrie, du hasard, de l’importunité d’autrui, ils se trouvent engagés dans d’innombrables relations humaines; on leur prête de même une infinité d’opinions, simplement parce qu’elles sont les opinions régnantes; toute expression du visage qui n’est pas négative passe pour une approbation; tout mouvement de la main qui ne détruit pas est interprété comme un assentiment. Ils savent bien, ces solitaires libres dans leur esprit, qu’ils paraissent constamment, en quelque manière, autres qu’ils ne pensent; alors qu’ils ne veulent rien que la vérité et la honnêteté, il se tisse autour d’eux un réseau de malentendus; et la violence de leur désir ne peut empêcher que pèse sur leur action une brume d’opinions fausses, d’accommodements, de demi-concessions, de silences complaisants, d’interprétations erronées. Cela amasse un nuage de mélancolie sur leur front: car de telles natures haïssent plus que la mort qu’il soit nécessaire de paraître. Et cette amertume prolongée les rend volcaniques et menaçants. De temps en temps, ils se vengent de leur dissimulation forcée, de la réserve qu’ils s’imposent. Ils sortent de leur caverne avec des mines effroyables, leurs paroles et leurs actes sont alors explosions, et il arrive qu’ils succombent d’avoir été eux-mêmes. Schopenhauer vivait ainsi dangereusement. De tels solitaires ont justement besoin d’amour, ils ont besoin de compagnons avec qui ils puissent se montrer ouverts et francs comme envers eux-mêmes, et en présence de qui cesse la crispation du silence et de la dissimulation. Otez-leur ces compagnons et vous provoquerez un péril croissant; Heinrich von Kleist est mort de cette absence d’amour et le plus terrible remède à appliquer aux hommes d’exception est de les refouler si profondément en eux-mêmes que chacune de leurs échappées prend l’allure d’une éruption volcanique. Il est pourtant toujours un demi-dieu qui supporte de vivre dans des conditions aussi effroyables, et de vivre en vainqueur; et si vous voulez écouter ses chants solitaires, écoutez la musique de Beethoven.» (...)

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